EUROPE UNIE—A la mémoire d'Elémer Hantos, précurseur de l'idée européenne
Article apparu dans le Journal de Genève, 21-22 Août, 1981, page 25.
Il y a cent ans, naquit, à Budapest, Elemer Hantos, économiste hongrois de renommée internationale. Un certain nombre de Genevois se souviendront encore probablement de cet européen convaincu. Député puis secrétaire d'Etat, enfin PDG de la Banque d'Emission pour une courte durée, il abandonna, à l'âge de 38 ans, les fonctions publiques pour se consacrer aux problèmes du régionalisme économique en Europe et surtout à ceux concernant la coopération économique des pays de l'Europe centrale déchirée par les traités de paix de 1919-1920.
Hantos préconisait un plan qui serait une sorte d'union douanière qui devait commencer par la Hongrie et l'Autriche, suivie de la Roumanie, Tchécoslovaquie et de la Yougoslavie, complétée par une union monétaire et par l'abolition de la clause de la nation la plus favorisée. Un tel projet ne pouvait plaire à tous (Petite Entente, Allemagne, Italie). Néanmoins, c'est Elemer Hantos, devenu professeur à l'Université de Budapest « qui a fait le plus pour faire reconnaitre par l'opinion internationale la nécessité d'une confédération économique danubienne » et « grâce aux instituts économiques qu'il avait fondés à Vienne, Budapest, Brno et Genève, Hantos exerça une forte action sur l'opinion européenne et contribua à concentrer l'attention sur l'Europe centrale » (Jacques Droz). A cet effet, c'est en 1930 que fut fondé, à l'Université de Genève un « Centre d'étude de l'Europe centrale », dont M. le professeur Ch .- A. Burky fut directeur et auquel M. Ledermann, futur professeur des relations internationales, à cette époque, privat-docent, collabora. Entre 1923 et 1938, Hantos vint souvent à Genève où il eut de nombreux entretiens avec des hommes d'Etat qu'intéressaient ses profondes connaissances des problèmes économiques. Il participa, dès 1923, aux travaux du Comité économique de la SDN et l'année suivante en fut nommé rapporteur. Durant ses séjours, il donna également des conférences, notamment au dit Centre d'étude, à l'Aula de l'Université et à l'Institut universitaire des Hautes études internationales sur l'invitation de W. Rappard. Il fut d'ailleurs jusqu'à ces dernières années, le seul savant hongrois à professer dans le cadre des « cours temporaires » de cet institut. Ses conférences étaient chaleureusement accueillies par un public attentif et nombreux que ne laissait pas indifférent l'ouverture d'esprit de cet européen précurseur.
L'œuvre écrit d'E. Hantos est considérable. Durant la période relativement brève de vingt ans qui sépare les deux conflagrations mondiales, une demi-centaine d'ouvrages traitant des problèmes agraires, monétaires, fluviaux, postaux, etc. entre les pays danubiens, parurent et furent traduits en plusieurs langues. Les événements politiques ont - finalement - dépassé Hantos, décédé en 1942. « Ses avertissements contre le « primat » du politique dans la vie économique des nations sont tombés en terrain aride. » (Ledermann) « Et ce sont finalement des considérations égoïstes qui ont empêché la création d'un bloc des Etats de l'Europe centrale » - « De ce fait, contrairement à ce qu'avait souhaité Hantos, les aspirations des petites nations, qui n'ont pu se coordonner, ont été exploitées par les «Grands » pour leurs jeux politiques et leurs rivalités européennes. C'est ainsi que la vole s'est trouvée libre aux conceptions impérialistes allemandes » (Jacques Droz) puis aux conceptions socio-impérialistes.
H. S.